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Lyon n’a pas inventé le funk, mais la capitale des Gaules a su créer sa propre identité funk unique, fusionnant les rythmes afro-américains avec les sonorités maghrébines pour donner naissance à un mouvement musical hybride d’une richesse exceptionnelle.
Cette analyse chronologique retrace l’évolution de Lyon vers son statut de « capitale française du funk », un titre qu’elle revendique aujourd’hui avec fierté grâce à quarante années de fidélité indéfectible à ce genre musical.
Contrairement à Paris et Marseille qui se sont tournées vers le hip-hop dans les années 1990, Lyon est restée fidèle au funk, créant une identité musicale unique qui perdure encore aujourd’hui.
Table of Contents
ToggleLe funk émerge au milieu des années 1960 aux États-Unis comme une force musicale révolutionnaire.
Né dans les clubs américains, ce genre musical se caractérise par la prédominance de la section rythmique – guitare, basse, batterie – et la présence fréquente de cuivres sur des ponctuations rythmiques.
James Brown, considéré comme le « Godfather of Soul », pose les fondations du funk avec des titres emblématiques comme « Papa’s Got a Brand New Bag » en 1965 et « Sex Machine » en 1970.
Cette musique porte en elle les revendications de la communauté afro-américaine et accompagne les mouvements de droits civiques des années 1960-70.
Le funk prend rapidement une dimension commerciale avec des groupes comme Commodores, Chic, Kool & The Gang, et Earth, Wind and Fire qui conquièrent le grand public.
Cette expansion coïncide avec l’essor de la culture afro-américaine et trouve rapidement des échos en Europe, notamment en France où les sonorités groove commencent à séduire un public en quête de nouveautés musicales rythmées.
Dès la fin des années 1960, le funk traverse l’Atlantique et commence à influencer la scène musicale française.
Lyon, déjà en mutation culturelle et démographique, accueille ces nouvelles sonorités dans un contexte particulier.
En 1969, un obscur combo mené par le chanteur Dany Mario enregistre quatre reprises de géants de la soul américaine, produites par le mythique label lyonnais JBP.
Cette première trace de soul-music dans les productions lyonnaises témoigne d’un intérêt précoce pour les musiques afro-américaines.
La période 1970-1975 marque l’arrivée massive d’immigrants maghrébins, principalement de l’Est algérien, qui s’installent dans les quartiers populaires de Lyon, notamment à la Guillotière.
Ces communautés apportent avec elles leurs instruments, leurs traditions musicales et leur groove particulier, créant les conditions d’une fusion musicale inédite.
En 1978, suite au festival « New Wave French Connection » donné à Fourvière, la scène rock lyonnaise s’impose sur la scène nationale et Libération titre même « Lyon Capitale du Rock ».
Cette effervescence rock-punk-new wave crée un terreau fertile pour l’émergence de nouveaux genres musicaux.
C’est dans ce contexte que naît, entre Givors et Lyon, le groupe Killdozer, dont les idoles sont James Brown, Arthur Conley et Rufus Thomas plutôt que les références rock traditionnelles.
Leur unique album, sorti sur CBS au début des années 1980, témoigne d’un équilibre réussi entre soul-music et énergie rock, préfigurant la future identité funk lyonnaise.
La Guillotière devient progressivement le cœur battant de cette nouvelle scène musicale.
Quartier le plus ancien de la rive gauche du Rhône, la Guillotière s’est développée dès le Moyen-Âge et devient au XXe siècle un important foyer d’accueil pour les vagues successives d’immigration.
Les communautés maghrébines, principalement venues de l’Est algérien mais aussi du Maroc et de la Tunisie, apportent leurs instruments, leur timbre de voix et leur groove particulier.
Cette installation n’est pas qu’un phénomène démographique, c’est un véritable enrichissement culturel.
Les musiciens maghrébins découvrent et s’approprient les genres musicaux populaires de l’époque – funk, disco, musiques électroniques – tout en conservant leurs racines traditionnelles raï, chaoui, staifi et chaâbi.
Cette alchimie entre traditions algériennes, tunisiennes et marocaines d’une part, et esthétiques contemporaines d’autre part, va donner naissance à une musique fraternelle et vivante, proche de la vie des gens.
Les années 1980 marquent l’apogée de la scène funk lyonnaise avec l’émergence de nombreux labels spécialisés.
L’Étoile Verte, SEDICAV, Édition Merabet, Top Music, Bouarfa et El Bahia deviennent les piliers d’une véritable économie musicale parallèle qui s’étend de Paris-Barbès à Marseille-Belsunce.
Ces labels adoptent le support cassette, plus économique que le vinyle et plus accessible que le CD naissant, permettant une diffusion rapide et massive.
La production est impressionnante : des centaines de cassettes sont produites, parfois enregistrées en quelques heures sur des instruments modernes et électriques – guitares, basses, synthétiseurs, boîtes à rythmes.
Cette musique chante l’immigration, la précarité sociale et la vie quotidienne, le racisme, le pays et l’amour.
Les artistes comme Zaïdi El Batni, Amor Hafsouni, Cheb Rabah El Maghnaoui, Cheb Slimane, Nordine Staifi et Mokhtar Mezhoud deviennent les figures emblématiques de cette scène foisonnante.
La géographie de cette effervescence musicale s’organise autour de lieux précis.
Les bars et cafés de la Guillotière – Chez Mireille, Le But et Chez Georges – deviennent les témoins privilégiés de rassemblements festifs autour du funk.
Ces établissements, situés entre le 3e et le 7e arrondissement, créent un véritable écosystème culturel où se mélangent les générations et les origines.
L’axe Jean Macé-Saxe-Gambetta-Guillotière forme l’épine dorsale de cette géographie funk lyonnaise.
La proximité de la gare Jean Macé facilite les échanges et les circulations, tant humaines que musicales, entre Lyon et les autres villes françaises où se développent des scènes similaires.
Villeurbanne accueille également plusieurs studios d’enregistrement, complétant cet écosystème de production.
L’innovation majeure de cette période réside dans la création du « synthé raï », fusion unique entre les traditions musicales maghrébines et les technologies électroniques occidentales.
Cette hybridation créative mélange raï, chaoui et staifi avec disco, funk et proto-électronique, créant un son inédit qui influence toute une génération.
Le synthétiseur devient l’instrument symbole de cette révolution musicale, permettant de moderniser les mélodies traditionnelles tout en conservant leur essence émotionnelle.
Cette période voit également naître les prémices du hip-hop français, avec des groupes comme Carte de Séjour menés par Rachid Taha, qui mélangent rock arabe et sonorités occidentales.
Leur reprise ironique de « Douce France » de Charles Trenet, censurée en France mais remarquée par le DJ anglais John Peel, témoigne de cette capacité d’innovation et de métissage culturel.
L’année 1984 marque un tournant décisif avec la sortie de « Time to Move » par Carmen Clayton. Cette chanteuse américaine née à Detroit en 1972 enregistre ce titre à l’âge de 12 ans avec Kevin McCord.
Le morceau, produit par Presents Records, devient rapidement un classique incontournable des pistes de danse et s’impose comme l’hymne officieux de Lyon.
« Time to Move » transcende les frontières générationnelles et culturelles pour devenir un véritable phénomène sociologique lyonnais.
Le titre accompagne toute une génération qui grandit dans les années 1990, créant une bande sonore commune aux quartiers populaires lyonnais.
Carmen Clayton elle-même reconnaît plus tard Lyon comme capitale du funk, validant officiellement ce statut revendiqué par la ville.
Contrairement à Paris et Marseille qui embrassent massivement le hip-hop naissant dans les années 1990, Lyon maintient sa fidélité au funk.
Cette résistance n’est pas conservatrice mais révélatrice d’une identité musicale profondément ancrée.
Kâshif Kroche, passionné du genre et gérant de « The Sounds of Music », témoigne : « Lyon est resté fidèle au funk depuis les années 1990, alors que d’autres villes se tournaient vers le hip-hop.
C’est comme si le funk faisait partie intégrante de notre identité musicale ».
Cette fidélité se manifeste dans la vie quotidienne lyonnaise.
Les Ford Fiesta blanches qui roulent cours Gambetta diffusent plus de Bobby Thurston que de Soprano.
Les rassemblements de danseurs dans les rues, notamment rue de la République, perpétuent cette tradition funk avec des shows hip-hop sur fond de musique funk.
Cette appropriation populaire du funk dépasse le simple phénomène musical pour devenir un marqueur identitaire fort.
Les années 1990 voient également l’émergence d’une scène acid jazz lyonnaise aussi développée qu’à Paris.
Des groupes comme Kool Kats Club, Mo Jazz Beats, Colorblind et Metropolitan Jazz Affair témoignent de la vitalité de cette nouvelle scène groove qui mélange jazz, funk, hip-hop et soul.
Cette évolution montre la capacité d’adaptation de la scène lyonnaise qui intègre les influences contemporaines tout en conservant son ancrage funk.
La scène se professionnalise également avec l’émergence de nouveaux acteurs.
Des groupes comme Coffee Tone, fondé en 2011, perpétuent l’héritage Motown et funk avec élégance et professionnalisme.
La formation de huit musiciens Groove General Store reprend les grands standards de la funk, tandis que des artistes comme Isaac’s Mood inventent le « Jazz Funk Groove trio ».
Le début des années 2000 marque une nouvelle étape avec l’émergence d’une génération qui redécouvre et réinvente l’héritage funk lyonnais.
Des projets comme Maghreb K7 Club, soutenus par Bongo Joe Records et Sofa Records, ressuscitent les trésors des archives musicales lyonnaises.
Cette démarche patrimoniale révèle au grand public la richesse de cette production souvent restée confidentielle.
Belgacem Ben Mokdad, fondateur du label Belek Records et organisateur de l’événement « Lyon Capitale de la Funk », incarne cette nouvelle génération qui revendique et célèbre l’héritage funk lyonnais.
Son travail avec Carmen Clayton, qui signe chez Belek Records en 2022, symbolise la continuité entre l’âge d’or et l’époque contemporaine.
Cette richesse culturelle commence à être reconnue institutionnellement.
Le Centre des Musiques Traditionnelles Rhône-Alpes (CMTRA) produit des compilations de référence comme « Maghreb Lyon : Raï-chaoui, Staifi, Chaâbi-Kabyle, Malouf« .
Ces initiatives patrimoniales révèlent l’importance historique de cette production musicale qui mérite de faire partie de la mémoire collective.
La reconnaissance médiatique suit avec des podcasts spécialisés comme « Sounds So Beautiful » qui interroge « Pourquoi Lyon est-elle la capitale de la Funk ? ».
Des émissions Funk perpétuent cette tradition en célébrant la musique funk et boogie des années 1970-80.
L’histoire du funk lyonnais révèle comment une ville peut s’approprier un genre musical pour créer sa propre identité culturelle.
Lyon n’a pas inventé le funk, mais elle a su le transformer, l’hybrider et le faire sien d’une manière unique en France.
Cette appropriation résulte de la convergence de plusieurs facteurs : l’arrivée des communautés maghrébines, l’effervescence culturelle des années 1970-80, la créativité des labels indépendants et surtout la fidélité constante d’une population qui a fait du funk sa bande sonore collective.
Quarante ans après l’émergence de cette scène, Lyon revendique toujours son titre de « capitale française du funk ».
Cette revendication ne relève plus du mythe urbain mais d’une réalité culturelle documentée et vivante.
La tendance funk qui dure depuis quarante ans n’est pas près de s’essouffler, comme l’affirme Kâshif Kroche : « On ne passera jamais à autre chose à Lyon.
Récemment, des artistes ont revisité le funk dans leurs morceaux, et cela a été un énorme succès.
La clé du funk, c’est de faire danser, et il continuera à éternellement rythmer nos rues ».
Cette analyse chronologique révèle finalement que Lyon n’est pas devenue capitale du funk par hasard, mais par la conjonction d’une histoire migratoire, d’une créativité artistique exceptionnelle et d’une fidélité populaire qui transcende les générations.
Le funk lyonnais constitue aujourd’hui un patrimoine culturel vivant qui continue d’évoluer tout en préservant son essence originelle, témoignant de la capacité d’une ville à créer sa propre mythologie musicale.
17:00 - 18:00
Mixé par DJ Tarek From Paris
18:00 - 19:00
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