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« From Now On » est un morceau emblématique de Lou Rawls, sorti en 1976 sur l’album « All Things In Time » sous le prestigieux label Philadelphia International Records, produit par le duo légendaire Kenneth Gamble et Leon Huff.
Cette pépite soul illustre parfaitement le son Philly des années 70, porté par la voix veloutée et expressive de Rawls, maître incontesté du R&B et de la soul.
Fondé en 1971 par le duo de compositeurs-producteurs Kenneth Gamble et Leon Huff, Philadelphia International Records (PIR) s’impose rapidement comme le label emblématique du « Philadelphia sound ».
Cette maison de disques indépendante américaine révolutionne la soul music en développant un son distinctif caractérisé par des arrangements orchestraux somptueux, des sections de cordes issues de l’orchestre de Philadelphie, et une section rythmique puissante assurée par les musiciens des studios Sigma Sound.
Le label bénéficie d’un contrat de distribution stratégique avec CBS Records, négocié par Clive Davis qui cherchait à renforcer sa position sur le marché de la musique noire.
Entre 1971 et le début des années 80, PIR accumule plus de 170 disques d’or et de platine, propulsant des artistes légendaires comme The O’Jays, Harold Melvin & the Blue Notes, Teddy Pendergrass, Billy Paul, et Patti LaBelle.
Le succès phare « TSOP (The Sound of Philadelphia) » de MFSB atteint la première place du Billboard Hot 100 en 1974 et devient le thème musical de l’émission Soul Train.
Considéré comme le successeur de Motown dans les années 70, PIR figure parmi les cinq plus importantes entreprises dirigées par des entrepreneurs noirs américains avant de cesser définitivement ses activités en 2001.
Le tandem Gamble-Huff révolutionne l’industrie musicale par son approche sophistiquée de la production, fusionnant l’héritage gospel et doo-wop avec des orchestrations jazz luxuriantes.
Leurs méthodes de production reposent sur l’utilisation systématique des musiciens maison MFSB (Mother-Father-Sister-Brother) basés aux studios Sigma Sound, dirigés par l’ingénieur Joe Tarsia qui devient un architecte sonore clé du son de Philadelphie.
Cette équipe de plus de 30 musiciens résidents, incluant des arrangeurs comme Bobby Martin, Norman Harris et Thom Bell, crée un son immédiatement reconnaissable caractérisé par des guitares aux octaves scintillantes, des cuivres soyeux et des cordes satinées.
Leur philosophie de production transcende le simple divertissement musical pour véhiculer un message d’unité sociale et de paix universelle. Comme l’explique Gamble en 1998, « notre musique parlait de gens qui s’unissent, vivent ensemble dans la paix et l’harmonie tout en s’amusant ».
Cette approche leur permet de générer 175 disques d’or et de platine, incluant des succès crossover majeurs comme « Me and Mrs. Jones » de Billy Paul, « Love Train » des O’Jays, et « TSOP » de MFSB.
Leur méthode collaborative, alternant entre composition, arrangement et production, établit un nouveau standard industriel qui influence profondément l’évolution du R&B contemporain et hip-hop des décennies suivantes.
Sorti en 1976, « All Things In Time » marque l’apogée artistique de Lou Rawls chez Philadelphia International Records et coïncide parfaitement avec l’explosion du hustle dance craze.
Cet album prophétiquement intitulé capture l’essence du mouvement disco naissant tout en préservant les racines soul profondes de l’artiste.
Le disque révèle une maturité créative remarquable, orchestrant habilement la transition entre l’âge d’or de la soul des années 60 et l’émergence de la culture disco qui dominera la fin de décennie.
L’album bénéficie de l’expertise production de Gamble-Huff et de leurs arrangements sophistiqués, transformant chaque piste en une expérience sonore immersive.
Les titres comme « You’ll Never Find Another Love Like Mine » deviennent des classiques intemporels, démontrant la capacité unique de Rawls à naviguer entre intimité vocale et grandeur orchestrale.
Cette œuvre témoigne de l’évolution stylistique du Philadelphia sound vers des territoires plus dansants, anticipant les codes esthétiques du disco tout en conservant l’authenticité émotionnelle qui caractérise les productions PIR.
Le mouvement « Sound of Philadelphia » émerge à la fin des années 60 comme une réponse créative au déclin relatif de Motown, fusionnant l’héritage rythmique de la soul avec des arrangements orchestraux sophistiqués qui posent les fondations du disco.
Cette révolution musicale, surnommée par le tromboniste Fred Wesley « mettre le nœud papillon sur le funk », transforme Philadelphie en sanctuaire de la soul aux côtés de Detroit et Memphis.
Le mouvement se distingue par sa capacité unique à marier « la machine Motown avec le grain de Stax », créant un son à la fois lisse et brûlant qui séduit instantanément les auditeurs nationaux.
L’impact culturel du mouvement s’étend bien au-delà des frontières musicales, influençant des artistes aussi divers que David Bowie (qui enregistre partiellement « Young Americans » aux studios Sigma Sound en 1975), Hall and Oates, et même Elton John avec « Mama Can’t Buy You Love ».
Cette influence transgénérationnelle perdure jusqu’aux années 2000 avec des artistes comme les Roots, Jill Scott et Musiq Soulchild, démontrant la portée révolutionnaire d’un mouvement qui a non seulement détroné Motown comme roi du R&B dans les années 70, mais a également établi les codes esthétiques du disco et du R&B moderne.
Située au 212 North 12th Street, la légendaire Sigma Sound Studios révolutionne l’industrie du disque dès son ouverture en 1968 par l’ingénieur du son Joseph Tarsia, devenant instantanément le temple de la soul de Philadelphie et l’épicentre créatif d’un empire musical qui accumule plus de 200 certifications or et platine.
Cette infrastructure technique d’avant-garde, première aux États-Unis à proposer un équipement d’enregistrement 24 pistes avec automation de console, attire une clientèle prestigieuse incluant David Bowie, Stevie Wonder, Madonna, les Ramones et Aretha Franklin, transformant ce studio en laboratoire sonore de référence mondiale.
L’héritage architectural unique de Sigma Sound repose sur son environnement acoustique « cosy » et sa chambre d’écho distinctive qui imprègnent chaque enregistrement d’une signature sonore immédiatement reconnaissable, comme l’explique le guitariste Bobby Eli : « MFSB sonnait toujours comme Philadelphie n’importe où, mais à Sigma, nous sonnions mieux, plus précis ».
Fermé définitivement en 2014, le bâtiment obtient sa reconnaissance historique officielle par la ville de Philadelphie en 2015, suivi de son inscription au Philadelphia Register of Historic Places en 2020, consacrant définitivement son statut de monument de l’âge d’or de la musique soul américaine.
Les archives Sigma Sound, conservées à l’université Drexel avec près de 7000 bandes magnétiques multi-pistes, constituent aujourd’hui un trésor documentaire inestimable pour comprendre les techniques de production qui ont façonné le son disco et R&B moderne.
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